alfa o. — nocturnal animals

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Hafsa Amir
Alfa Orsini
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Alfa Orsini
Alfa Orsini
Admin

The Sun
Âge : trente-quatre années d’érosion lente, stigmates qui se collent aux coins des yeux en pattes d’oie délicates.
Occupation : gérant charismatique du Leone Tosato, établissement éclectique aux allures de freak show, lieu de prédilection des marginaux et des laissés pour compte.
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Habitation : La Panlupa, le quartier magique de Rome.
Date d'inscription : 30/03/2024
Âge : 107
The Moon

   

ALFA ORSINI
There is an ache in my heart for the imagined beauty of a life I haven’t had, from which I had been locked out, and it never goes away.
ft. niels schneider

TW abandon infantile, évocation critique de la religion, discrimination envers le peuple vélane, mention de fascisme, violence physique graphique, meurtre, deuil.

ID CARD

prénoms, nom

Alfonso, dernier vestige de l’attention maternelle à son égard, un nom donné sur le seuil de l’orphelinat et gardé précieusement, à la manière des chapelets religieux. Seule relique d’une identité morcelée, rapidement écourtée en Alfa sur la langue des autres enfants. Orsini n’incarne rien que le délaissement, patronyme dévié du sobriquet « Orsetti », donné par les religieuses aux gamins abandonnés. D’ourson, Alfa a depuis choisi de se faire loup, à l’image d’une bestiole carnivore toujours flanquée de sa meute ; on l’appelle il Lupo, surnom qui depuis des années lui colle à la peau.

date de naissance, âge

Trente-quatre années d’érosion lente, stigmates qui se collent aux coins des yeux en pattes d’oie délicates. Alfa est un enfant de l’hiver, en porte accessoirement le caractère : perfectionnisme minutieux des gamins de janvier, de ceux que la neige a enfanté.

nationalité, origines

L’Italie jamais quittée, collée à la langue jusqu’aux confins d’un accent qui se devine dans chaque dialecte parlé. Le paternel borde d’ombres les contours de son identité, interrogations jamais résolues, dont Alfa a arrêté de s’encombrer depuis longtemps.

genre & pronoms

Masculin cisgenre.

espèce

Identité atrophiée, hybridation considérée comme contre-nature ; tributaire d’une partie des attributs du peuple vélane, mêlés à une humanité tout à fait banale. Des particularités qui l’ont longtemps encombré, à la manière d’un héritage souillé qu’il n’a jamais été éduqué pour accepter – rejetant celui-ci à la justification de pieuses bondieuseries. Sans doute a t-il peu à peu réussi à se réconcilier avec cette part de lui-même, mais il continue malgré tout à traîner la culpabilité de n’être qu’un monstre de péchés, se noierait volontiers dans l’eau bénite les mauvais jours – lorsque devient trop pesant l’inconfort propre aux marginaux et aux inadaptés.

orientation sexuelle

La préférence s’oriente vers les êtres féminins, bien qu’il ait parfois apprécié la compagnie masculine lors de certaines périodes de sa vie.

statut civil

Solitude crasse et marquée, choisie sans vraiment l’être ; des années qu’Alfa s’exclut promptement du marché des séductions, dans un ascétisme presque monacal. C’est que les artifices le hérissent, en particulier ceux qu’induisent sa nature hybride : meurtri par l’idée de ce charme délétère, imposé à celles et ceux qui l’entourent, il se refuse à s’en faire joueur, s’obstine sinistrement à s’éloigner de tout romantisme manipulé. Relations aussi courtes que vidées de substance ; il reste mélancolique face à l’idée des amours véritables, qu’il se refuse bêtement à désirer.

occupation.s, métier

Gérant charismatique du Leone Tosato, établissement éclectique aux allures de freak show, lieu de prédilection des marginaux et des laissés pour compte : s’y retrouvent en vrac les loups-garous rejetés, les vélanes maudits, les cracmols et tous ceux que le monde magique avait un jour dégueulé. On y joue au cartes, on y parie et on y boit, et dans les recoins les plus sombres s’échangent et se monnayent de précieuses informations sur les puissants. Recettes sans doute arrondies par le recel de liqueurs trouvées sur le marché noir ou les menus larcins – illégalité trop peu suffisante pour s’attirer les foudres des polices locales.

traits de caractère

Être paradoxal, d’un éclat lugubre et mélancolique, qui pourtant prend soin de s’entourer des couleurs que les marginaux laissent éclater ; c’est dans une atmosphère de gaieté mortuaire qu’Alfa évolue, comme si la seule joie à connaître avait été celle du sursis. Loquacité variable, souvent déliée par la curiosité profonde qu’il porte au monde, ainsi que par l’empathie construite envers ceux qui n’ont rien : il s’en est parfois fait un fardeau, un poids dans le cœur si difficile à porter qu’il en étouffait ses propres joies, ses propres couleurs. Image terne qu’il conserve et s’accommode pourtant à dessein ; car il a compris depuis longtemps que le respect ne nait au mieux que des énigmes, et des secrets de soi que l’on s’emploie à enfouir face au regard des autres. On lui a attaché il y a longtemps le mythe d’une violence qui n’est pas la sienne : loin de détromper les fabulateurs, il a eu la présence d’esprit de ne pas les contrarier, profitant des dizaines de rumeurs à son sujet pour justifier l’aura impérieuse qu’il s’était construite.



DETAILS & ANECDOTES
uno Son apparence est truffée de détails en allusion à la religion catholique, que celles-ci soient d’origine ironique ou superstitieuse ; en vrac, un chapelet autour du cou et une chevalière christique à l’auriculaire, une croix tatouée sur le sternum qui grignote la pomme d’Adam, ou un verset entier encré contre la peau de l’avant-bras en caractères latins.
due Il parle couramment l’italien, le français et l’allemand, en plus des notions de latin restées de son enfance. L’apprentissage linguistique lui a toujours été relativement aisé, pratiquant les dialectes en question avec les étrangers de passage au Leone.
tre Manie terrible de tout perdre, à l’exception de ce qu’il porte sur lui : inutile de lui prêter quoi que ce soit, et surtout pas quelque chose de valeur – la babiole en question risquerait de finir dans le néant des objets oubliés quelque part, et jamais retrouvés.
quattro Il a gardé l’habitude de conserver quelques feuilles d’aconit tue-loup dans une petite fiole, toujours rangée quelque part sur lui ; précaution prise à l’époque de son amitié avec Tommasio, atteint de lycanthpopie. La solution était la seule trouvée en cas de pleine lune capricieuse, pour ne pas risquer de finir entre les crocs de son acolyte.
cinque Il adore l’odeur de la verveine, probablement en souvenir des arbustes épais qui poussaient derrière le monastère où il a grandi. Ironie tendre d’ainsi chérir l’herbe de Vénus – que certains associent au peuple Vélane et vantent d’attirer l’amour – pour lui, si critique vis-à-vis de ces deux derniers.
sei Il a une fille de sept ans, née de son manque de précaution avec Graziella, une jeune cracmole. Sachant qu’il ne l’épouserait pas, celle-ci s’est empressée de trouver un mari pour dissimuler le péché en question. Officiellement, la petite Ofelia est devenue la progéniture d’un autre ; un secret lourdement gardé, que sa mère a tâché d’assouplir en organisant pendant les premières années de l’enfant, quelques après-midis régulières avec son père biologique. Ces visites se sont cependant faites plus éparses au fil des années, particulièrement lorsque le couple et l’enfant se sont installés dans le vignoble familial en dehors de Rome : un éloignement dont il n’a jamais accusé Graziella, mais qui le pèse plus qu’il ne daigne le montrer.
sette On remarque une cicatrice longue et blanche, juste sous son œil droit ; la blessure en question a été auto-infligée suite à la mort brutale de Tommasio, dont il s’est trouvé accusé par accident – voyant dans cette blessure une manière d’accréditer cette version de l’histoire pourtant mensongère, et de gagner la gérance du Leone Tosato.
otto Une flopée de gamins bossent pour lui, jouant les mouchards dans les rues de Rome et lui apportant quantité d'informations plus ou moins intéressantes – ainsi que parfois, le résultats de quelques larcins qu'il leur rachète sans broncher pour les revendre au plus offrant. Ce sont en général des orphelins ou des mômes au destin étroitement lié à la rue, sans autre perspective d'avenir que les maigres pécules qu'il leur offre pour leurs services.
nove Lorsqu'il doit résoudre un problème ou qu'il se trouve face à une situation problématique, il a l'habitude de sculpter des petits morceaux de bois avec son canif, souvent pour en faire des figurines d'animaux. Fût un temps, il les offrait à Ofelia, connaissant sa passion forcenée pour les créatures magiques.
Timeline
1917 : naissance de Alfa à Rome, d'une mère moldue et d'un père vélane. Il est laissé à la charge d'un monastère vélane aux abords de la ville.
1917-1931 : Alfa reçoit une éducation religieuse stricte, qui met l'accent sur l'impureté de sa nature vélane, qu'il apprend à détester.
1931 : Décès de sa mère ; en l'absence de payeur, Alfa est mis à la porte du monastère. À Rome, il rencontre Gesù et sa bande, lequel le prend sous son aile.
1941 : Quelques années après s'être retrouvés, Alfa et Hestia ont une aventure : celle-ci est cependant vite étouffée dans l'œuf, notamment à cause de l'éloignement progressif du duo et de leurs modes de vie. Ils se disputent et perdent de nouveau contact à la fin de l'année.
1943 : Naissance de Ofelia, fruit de sa liaison avec Graziella, une cracmole de Rome. Sachant son refus du mariage, elle trouve un autre mari capable de reconnaître l'enfant, et lui donner son nom ; Alfa ne la verra à l'avenir que très rarement.
mai 1945 : Mort de Gesù ; Alfa et Tommasio sont pressentis pour lui succéder à la tête du Leone. On s'attend à un duel, mais les deux amis décident de partager le pouvoir.
juin 1945 : Tommasio succombe aux blessures infligées par un chasseur de loup-garous : il convainc Alfa de prétendre qu'il est celui qui l'a tué, pour accéder au respect de ceux qui auraient l'idée de l'évincer. Alfa prend la tête du Leone Tosado.


STORY

1924 — Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.

Alfa à sept ans. Les mains jointes, le nez levé vers le haut, vers les pierres grises des ogives qui s'écartent en courbes froides. Là-haut, il doit y avoir Dieu. C'est ce qu'on lui dit depuis toujours, depuis plus longtemps qu'il n'est capable de s'en rappeler. Dieu l'observateur, Dieu le Père qui l'épie sans pitié, qui scrute chacun de ses gestes et de ses pensées. A t-il prié assez fort, aujourd'hui ? Doutera t-Il de sa sincérité ? Alfa prie fort, pour tout et n'importe quoi. Il prie pour que la soupe du soir soit autre chose qu'au chou, parce qu'il n'aime pas ça ; il prie pour la sécheresse de l'été, pour qu'on l'emmène encore visiter Subacio et ses bâtiments perchés ; il prie pour qu'un jour sa mère revienne aussi – mais pourquoi le ferait-elle ? On lui a suffisamment dit : ils ne font pas partie du même monde. Il est de celui des pécheurs-nés, il a été créé de la mauvaise manière, et il n'appartient qu'à lui de réparer ce que sa naissance a causé comme désordre dans le fonctionnement de l'univers. Il aimerait la revoir, mais il ne veut pas être un fardeau. Et il se dit que s'il prie assez fort, peut-être qu'un jour, Dieu lui dira qu'il est assez pour ça.
Au fond, il ne comprend pas bien ce qu'il a de différent des autres enfants qu'il voit gambader de loin, lorsqu'on l'emmène visiter les autres monastères. Ils ont la même taille que lui, les mêmes joues rebondies ; mais il se dit que ce doit être quelque chose que seul Dieu voit.
Dieu l'observateur, qui l'épie sans pitié. Seul lui, doit être en mesure de juger.

Et puis parfois, il prie pour qu'il y ait de nouveau des mûres à cueillir dans le massif de ronces derrière le presbytère. Il pourrait y aller avec Hestia, se griffer les bras et les mains pour se gaver jusqu'à en avoir les dents noires et le ventre douloureux. Rire aux éclats. Il prie aussi pour ça. Pour les petites choses, pour les bribes de quotidien auquel il croit, pour lesquels son cœur se gonfle. Hestia dit qu'elle a une montgolfière dans la poitrine : il ne connaissait pas ce mot avant elle, et puis elle lui a expliqué que c'était un gros ballon qui se gonflait et qui portait une nacelle pour voler dans les airs. Alfa aime bien cette image : parce que lorsqu'ils rêvent ensemble comme ça, il a le cœur qui part dans les nuages.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.

1932 — Alfa à quinze ans. Les fringues trouées et les genoux écorchés, le chapelet trop grand qui pendouille autour du cou alors qu'il court à toute vitesse dans les rues de Rome. Il serre contre lui le sac de patates qu'il a piqué, dévale les escaliers qui mènent jusqu'à la Piazza Popolo et bifurque immédiatement, Giaccomo sur les talons. L'autre lui gueule d'attendre et il ralentit juste un peu – c'est qu'il a toujours été le plus rapide dans ce genre de courses citadines effrénées. La ville, ils en ont fait leur terrain de jeu. Un univers de pierres sablées et de ruelles pavées, de passages étroits qu'ils connaissent mieux que personne, de soupirails dans lesquels se planquer, de trappes où se faufiler. Ils sont rien que de la vermine pour les autres, genre de rats des villes qui se faufilent partout, qui piquent des portefeuilles et volent à la tire sans jamais se faire pincer ; des gamins mal éduqués et certainement orphelins, obligés de survivre comme des bêtes pour échapper à la misère et à la faim. Ce n'est pas tout à fait vrai : parce qu'ils ont Gesù.

Gesù, personne connait vraiment son nom. On l'appelle comme ça parce qu'il a beau s'être pris des balles et des coups de couteau, personne a été foutu de le tuer. C'est aussi le premier sorcier que Alfa a jamais rencontré : on lui avait parlé d'eux au monastère, en lui répétant qu'ils étaient les bras-droits de Dieu, l'incarnation humaine de Sa magie sur terre. Alors forcément, qu'il l'a tout de suite admiré. Parce qu'il avait ce charisme particulier, propre à ceux qui prennent soin de ne pas en dire trop et de rester dans l'économie de mots ; qu'il avait cette aura impressionnante de type increvable, avec sa gueule de traviole et ses yeux trop bleus. Et puis surtout, parce qu'il les prenait tous sous son aile – les marginaux, les défigurés, les pas-comme-les-autres, les étrangers. Dans sa bande, y'avait à la fois des gamins comme Alfa, Giaccomo et Tommasio, et puis d'autres gars paumés qui s'étaient retrouvés là par dépit, entre hasard et bonne étoile. Gesù leur ouvrait les bras à tous, enflammant leurs cœurs de discours libertaires qui érigeaient en grands prophètes les mal-aimés. Il les disait frères, parlait d'eux comme un clan soudé que la misère et l'incompréhension des autres avait réuni ; il disait que la résilience était leur force principale, et qu'ils étaient bien les seuls à appliquer la volonté de Dieu à être tolérants.
Ça lui avait du bien, à Alfa, d'entendre ça ; au début, il avait parlé de sa honte à Gesù, de sa honte d'être ce qu'il était, de tout ce qui lui restait à expier. Et il lui avait dit qu'il n'avait rien à se faire pardonner, si ce n'est les actes qu'il effectuerait tout au long de sa vie – mais certainement pas celui d'exister. Ça lui avait fait du bien, de trouver pour la première fois une famille. Parce que tout ce qu'il avait eu jusqu'à présent, c'était une mère qu'il n'avait jamais vue et qui avait fini par décéder – et puis un père dont il ne connaissait même pas l'identité. Quant aux Sœurs du monastère, elles n'avaient d'adelphes que le nom. Et Alfa, il n'avait jamais eu personne à serrer dans ses bras, à suivre jusqu'au bout du monde, à chérir de tout son cœur. Avec la bande à Gesù, il en a gagné des dizaines. Voyous fric-frac, joyeuses canailles à l'exubérance vive, sans cesse hantés par la joie du sursis, par l'idée exquise que chaque jour puisse être le dernier de sa vie. Il a appris à vivre comme ça : au jour le jour, sans regretter. Et c'est pour eux, qu'il s'est mis à prier.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.

1938 — Alfa à vingt-et-un ans. Représentation sacro-sainte de la canaille joyeuse qui enchaîne les petits méfaits, la sape bariolée et l'air débraillé. Dans le coin on le reconnait, sans vraiment connaître son nom : ce doit être cette dégaine qu'il soigne, entre nonchalance et élégance, ces coquards brandis comme parures, entre bijoux et blessures. Il ressemble à un putain d'ange sanctifié, et il le sait. On lui dit bien assez depuis qu'il est môme, alors il a eu l'orgueil de s'en tailler une image, tatouant jusqu'à la croix catholique sur le creux de sa gorge. Prêtre de mauvaise augure, au sourire qui en grignote les cieux : un Ave Maria qu'il souffle en riant, les canines bordées d'irrévérence, juste pour le plaisir de vous faire entrer dans la danse. Ne confessera aucun péché, puisque les anges ont tous les droits. Même déchus, ça va de soi. Pour un peu, il se ferait appeler Jésus, mais puisque le surnom est déjà pris, il s'abstient. Il Lupo, c'est très bien. Car en dépit de son éducation religieuse, il en a eu la preuve trop souvent : si Dieu existe, Il n'est pas là, alors si quelqu'un doit prendre sa place ici-bas, autant que ce soit eux, cette ribambelle de voyous hauts en couleur, de marginaux au grand cœur. Frères, sœurs, ils doivent tous se prendre pour des prophètes, ou des monarques.
Marquis des hauts-trottoirs, ou splendeur égomaniaque.

Il avait recroisé Hestia à peu près à cet âge-là, par un hasard stupéfiant : elle avait cherché à revendre au marché noir des bouquins qu'elle avait piqué, le genre de raretés qui plaisaient aux sorciers, et que le régime actuel laissait pas trop circuler. Ils faisaient leur beurre sur le fascisme, la bande de Gesù ; étant donné que les interdictions se comptaient même plus, ceux qui avaient toujours été habitués à circuler hors des canaux de la légalité réussissaient à en étoffer leurs commerces, à les faire prospérer.
Les premières minutes, il avait presque été intimidé : parce que c'était comme voir apparaitre le témoin solitaire d'une existence révolue, laissée depuis longtemps derrière lui. En toute honnêteté, il avait craint qu'elle ne le reconnaisse pas – ou qu'elle fasse mine de ne pas le faire ; mais c'était elle qui avait prononcé son nom en premier, elle qui lui avait souri en premier. Et à voir son visage s'illuminer en le revoyant, il avait ressenti un soulagement immense, comme une montgolfière dans la poitrine.
Elle lui avait manqué.
Pas comme une habitude, ou une compagnie oubliée. Elle lui avait manqué comme une béquille sur laquelle il avait un jour pris l'habitude de s'appuyer et dont on l'avait soudainement privé, le forçant à trouver une démarche nouvelle, plus inconfortable. Elle lui avait manqué à la manière des lumières d'été, qui apposaient sur les visages et les murs un filtre solaire et tamisé, projetant sur les paysages un peu ternes le souvenirs de moments plus enthousiastes. Elle lui avait manqué à la manière des mots perdus, des mélodies d'enfance que l'esprit efface et retrouve un jour, bouleversé d'en avoir oublié si longtemps les notes, terrassé de constater l'affection intacte qu'il lui porte.
Elle lui avait manqué.
Et il ne sait pas bien comment, mais ils ont réussi à retrouver les liens perdus de leur amitié ; à les nouer de nouveau malgré l'évidence de leurs différences, à se faire béquilles, lumières d'été et mélodies retrouvées, épaules sur lesquelles s'appuyer, comme si bien peu de choses avaient changé depuis l'époque du monastère, des mûres cueillies et des montgolfières. Que la rue, l'abandon et la misère ne les avaient jamais séparés ; ils ont sûrement réussi à y croire pendant quelques années.

1941 — Alfa à vingt-quatre ans. Les yeux baissés sur le caillou plat qui roule entre ses doigts, l'expression morose des anges que le paradis a congédiés. Hier soir, ils se sont disputés. Ou peut-être que ce n'était même pas une dispute, mais la mise en commun d'une impression tiède : celle de n'avoir plus grand chose en commun, plus grand chose à partager. Pas une dispute, mais un adieu en pointillés, un mouvement de la main pour signifier que c'est la fin.
Il ne sait pas trop comment c'est arrivé. Petit à petit, sûrement ; comme toutes les choses dont la résolution est lente, insidieuse, qui ne prennent à la gorge qu'une fois gâchées. Il ne sait plus comment il en est venu à arrêter de la comprendre, comment ils ont arrêté de lire entre les lignes, de tout pardonner en souvenir de leur complicité, de toutes ces années partagées. Comment ils ont cessé de savoir comment se parler, comment se regarder, comment s'adresser l'un à l'autre sans la nervosité des êtres trop différents.
Peut-être que c'était la faute de cette nuit-là : c'est vrai qu'ils n'avaient jamais trop su quoi faire, de cet écart infime – ce pas de côté qu'ils n'avaient jamais totalement pu qualifier d'erreur. Ça avait bougé les lignes entre eux, et sans doute qu'ils le savaient ; mais qu'à défaut de réellement les rapprocher, ils s'étaient trouvés nerveux, sans doute terrifiés à l'idée qu'ils venaient de gâcher la pureté de ce qu'ils avaient toujours partagé. Ils s'en étaient encombrés au point de ne plus en parler, de laisser l'éloignement les grignoter minutieusement, pétrifiés à la perspective d'intervenir, de plonger les doigts dans leurs cages thoraciques pour en observer les cœurs malmenés, aveuglés par la peur. La situation avait pourri.
Ils s'étaient disputés, et puis un jour ils en avaient eu la certitude : tout était fini.

1943 — Alfa à vingt-sept ans. L'œil émerveillé qui s'appuie sur cette main minuscule qui se tend, qui se déplie avec lenteur pour s'enrouler fermement autour de son index. Elle a les yeux fermés, l'air soucieux de ceux qui font un rêve compliqué – se faisait-elle poursuivre par des mouches géantes, des oiseaux de proie ? Si petite, si délicate, Ofelia.
Lorsqu'il la tient dans ses bras, Alfa a une boule dans la gorge, parce qu'il sait que ça ne durera pas. Qu'elle repartira dans l'heure, parce qu'elle n'est pas sensée être sa fille à lui – elle ne l'appellera jamais Papa. Ofelia à la peau si blanche et au front immense ; Graziella le murmure d'un air rêveur : elle te ressemble tellement. Et ça lui fout un poignard dans le cœur. Il se demande si elle voulait vraiment d'un enfant, Grace, ou si c'était un morceau de lui, qu'elle désirait. Il se demande si elle l'aurait gardée, si elle n'avait pas été victime de ses artifices, des maléfices que sa condition le forçait à lui infliger. Il se demande si elle regrettera un jour, d'avoir porté cet enfant de lui.
Ofelia a ouvert les yeux, et elle le regarde désormais : il a le cœur au bord des lèvres, lorsqu'il pense à tout ce qu'il ne sera jamais pour elle. À peine un étranger, à peine un visiteur passager. Un inconnu à dévisager – Papa ? Jamais.

1945 — Alfa à vingt-neuf ans. La main qui tremble sur le couteau, l'éclat de la lame dans l'œil. Plus bas, la silhouette avachie de Tommasio et son sourire rouge, du rouge obscène de l'hémoglobine crachée. Il rit comme un malade, comme un putain de malade désespéré à l'idée de mourir et il lui dit vas-y ! De toute façon ils voudront un coupable alors vas-y ! Au moins t'auras pas à mentir, Alfie.
Il l'avait trouvé là, rampant devant le Leone, pleine lune à peine dissipée. Il lui avait fallu moins qu'un calendrier pour savoir ce qui s'était passé : ils étaient de plus en plus nombreux à les chasser, les gars comme lui, les mordus, lycans, loups, monstres, lupus, pleins-d'puces. Avec le temps, c'était pas devenu si étonnant, de voir les rues au petit matin inondées des cadavres de ceux qu'on avait tués à la lumière de la lune. Tommasio s'en était bien sorti jusque là ; il avait même l'audace d'en rire, d'imiter le cabot qui aboie à chaque fois qu'on l'appelait, de se moquer de cette nature pourtant si douloureuse tout en continuant à la cacher au reste du monde. Il n'y avait qu'au Leone, qu'on en faisait pas un sujet : et ce n'était certainement pas pour un pauvre jour par mois, qu'il aurait cessé d'en faire son meilleur ami.
À la mort de Gesù, ils s'étaient même dit qu'ils reprendraient le Leone tous les deux, comme les frères qu'ils étaient ; mais la lune avait tout gâché. Et Alfa, il comprenait parfaitement pourquoi il lui demandait de l'achever, là, maintenant : pour se créer une histoire, une mythologie. Récit vieux comme le monde du fratricide, de la loi du plus fort, des frères rivaux montés l'un contre l'autre. Il avait lu assez de tragédies grecques pour savoir à quoi il faisait référence ; en prétendant avoir éliminé Tommasio, il n'aurait même pas à bouger le petit doigt pour devenir le meneur des têtes brûlées du Leone – et de l'établissement lui-même. D'un geste, il tenait l'occasion d'être vu comme celui qu'il n'était pas, suffisamment impitoyable pour supprimer son frère de cœur ; de gagner le respect sordide de tous ceux qui auraient un jour espéré prendre la place de Gesù, et d'ainsi faire perdurer son héritage. Tout ce qu'il fallait, c'était en finir.

Tommasio a une drôle de lueur dans le regard, lorsqu'il approche le canif de son cœur. Un truc un peu sauvage, de loup enragé. Il l'encourage et il sourit, il lève même la main vers la sienne pour la guider. Sur son poignet, Alfa sent une pression légère : il comprend qu'il n'a jamais cessé de trembler, depuis qu'il a croisé le regard de son frère. Vas-y. C'est à peine un chuchotis, quelque chose d'assez doux pour le sortir de son immobilisme. Lentement, la lame s'enfonce dans la peau, entre les côtes, et Tom lâche un espèce de hoquet surpris. J'ai pas mal, qu'est-ce que tu crois ? Cet enfoiré fait même de l'humour. Il va le... Merde. Tu te fais la même ? De cicatrice. Comme ça quand tu verras ta belle gueule, tu penseras à moi. Y'a pire, comme demande. Et puis il a raison : il doit se souvenir de lui. De tous ceux qui tirent dans la nuit, qui jonchent les trottoirs des corps des marquis qui y ont régné, de ceux qui n'ont jamais supporté les monstres, et tous ceux qui avaient l'audace de célébrer l'altérité. S'il doit les diriger, Alfa doit se rappeler.
La main se lève de nouveau – le rouge est obscène, contre ses doigts. Et sur sa joue, le métal est froid. Il se demande où est Dieu, lorsque tout est si vide : il ne tremble plus.
Tommasio a arrêté de bouger, et d'un mouvement sec, la lame a dérapé.

La lune est morte, et le mensonge a gagné.

1947 — Alfa à trente-et-un ans. Silhouette agile entre les rideaux carmins, ombre qui se faufile, seul maître des lieux dans le théâtre de la décadence : appuyé dans un coin, il observe le joyeux bazar des joueurs et des ivrognes mêlés, des poètes maudits et des créatures défigurées. Il y a des chansons qui résonnent dans le fond de la salle, en l'honneur de tous les inadaptés ; freak show sublime dont il se fait spectateur chaque soir, laissant l'héritage de Gesù poursuivre le chemin qu'il lui avait indiqué.  
Dans sa discrète immobilité, il a ces airs d'ange déchu que les saints auraient recrachés, de figure désacralisée. La plupart des types ici hésitent à l'approcher, sûrement parce qu'on raconte beaucoup de choses, à son sujet : et peu importe que la moitié à peine soient vraies, y'a pas grand monde qui se risquerait de lui demander ce qu'il en est. Tout ce qu'on sait, c'est que l'établissement est toujours plein à craquer, et que par un petit miracle, les autorités ont jamais trouvé le moyen de faire une descente dans le coin pour tous les arrêter – malgré les échanges ostensibles qui s'y déroulent la nuit tombée.

Entre les murs du Leone, le temps parait toujours comme en suspens.

Il n’y a que cette légère fumée, mordue par les lumières tamisées, qui grimpe lentement vers le plafond. Et puis l’œil qu’il pose sur elle lorsqu'elle rentre et s'approche de cet homme attablé.
Hestia.
Silhouette ambiguë, regard qui tue. Peut-être un peu perdue, mais ce n’est que de se revoir. Après tout, de leurs vies mutuelles, ils avaient disparu. Mais il est dit qu'aux arts des renaissances, Alfa est roi ; le genre à réapparaitre comme s’il en avait le droit, naviguant entre ombres et lumières avec agilité. Lui seul s'était un jour accordé le privilège de faire de la pénombre une couleur chatoyante – celle dont il se pare sans s'en excuser.  
Regardez un peu : face à elle, lorsque leurs regards se sont croisés, il a souri. Avec la décontraction des survivants, pli discret au coin de la commissure ; l’irréel comme démesure. Il a souri et levé la main pour lui faire signe : c'était une seconde avant de disparaitre.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.

Pour eux, ne restent que les prières les plus lâches.
Eux qui s'étaient connus à la fois trop tard, et trop tôt.



SOCIAL CIRCUS
Hestia Benedettiamie d'enfance / ancienne amante
Graziella Saglieriancienne amante / mère de sa fille
Ofelia Saglierifille (non reconnue)
Gesùancien leader (décédé)
Tommasio Riceriancien meilleur ami (décédé)
Ottavia Rossoprotectrice / associée
Daria Mediciamie, amante occasionnelle
Giaccomo Riceriami
Beatrice Valadoneamie

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THE JUKEBOX
Paolo ConteVia Con Me
BlurDeath Of A Party
Cage The ElephantAin't No Rest For The Wicked
The StoogesI Wanna Be Your Dog
Gianna NanniniI Maschi
Arctic MonkeysThis House Is A Circus
Led ZeppelinWhole Lotta Love
Death in VegasDirge
Depeche ModePersonal Jesus




Infos joueur.euse

prénom / surnom maie.
autres visages naïm, guilhem, james, leonid, masha, nora.
une info inutile tous les ours polaires sont gauchers.
Hafsa Amir
Hafsa Amir
Buveuse de thé

The Sun
Âge : vingt-trois ans
Occupation : botaniste aux jardins botaniques de londres, flâneuse notoire dans les rues des beaux quartiers, occupée à prendre le thé et à assister à n'importe quelle fête pour revêtir ses plus beaux vêtements (ndlr: c'est une petite riche qui aime passer du temps avec ses ami·e·s et qui travaille uniquement par passion)
Head : alfa o. — nocturnal animals Sg3k
Habitation : 12b place d'aphrodite, londres
Date d'inscription : 26/03/2024
The Moon

   

Encore un type trop cool dont je vais tomber amoureuse sans pouvoir le pecho, merci marie

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Alfa Orsini
Alfa Orsini
Admin

The Sun
Âge : trente-quatre années d’érosion lente, stigmates qui se collent aux coins des yeux en pattes d’oie délicates.
Occupation : gérant charismatique du Leone Tosato, établissement éclectique aux allures de freak show, lieu de prédilection des marginaux et des laissés pour compte.
Head : alfa o. — nocturnal animals 066ea795ab520f85edddd0ba059d67082baf1d03
Habitation : La Panlupa, le quartier magique de Rome.
Date d'inscription : 30/03/2024
Âge : 107
The Moon

   

@Hafsa Amir pourquoi tu pourrais pas le pécho même

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Hestia Benedetti
Hestia Benedetti

The Sun
Âge : trente-trois ans
Occupation : gardienne de la bibliothèque secrète de cosmologie des vélanes de Subiaco
Head : alfa o. — nocturnal animals 1f99eb746ca68191ac6048390f4176913e9a5d85
Date d'inscription : 31/07/2024
The Moon

   

3500376216 @Naïm Belkabir
Letha Bulstrode
Letha Bulstrode
Admin

The Sun
Âge : 25 ans
Occupation : Pigiste et écrivaine
Head : alfa o. — nocturnal animals Tumblr_inline_pqujo0Qvev1t8bm8b_250
Habitation : 15 place d'Aphrodite, Chelsea, Londres
Date d'inscription : 26/03/2024
The Moon

   

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Alfa Orsini
Alfa Orsini
Admin

The Sun
Âge : trente-quatre années d’érosion lente, stigmates qui se collent aux coins des yeux en pattes d’oie délicates.
Occupation : gérant charismatique du Leone Tosato, établissement éclectique aux allures de freak show, lieu de prédilection des marginaux et des laissés pour compte.
Head : alfa o. — nocturnal animals 066ea795ab520f85edddd0ba059d67082baf1d03
Habitation : La Panlupa, le quartier magique de Rome.
Date d'inscription : 30/03/2024
Âge : 107
The Moon

   

@Letha Bulstrode salut vous 1204135339
Tatiana Romanov
Tatiana Romanov

The Sun
Âge : 29
Occupation : Fugitive de Yama
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Habitation : Dolohov Manor
Date d'inscription : 21/05/2024
The Moon

   

L’obsession italienne est bien en place
Alfa Orsini
Alfa Orsini
Admin

The Sun
Âge : trente-quatre années d’érosion lente, stigmates qui se collent aux coins des yeux en pattes d’oie délicates.
Occupation : gérant charismatique du Leone Tosato, établissement éclectique aux allures de freak show, lieu de prédilection des marginaux et des laissés pour compte.
Head : alfa o. — nocturnal animals 066ea795ab520f85edddd0ba059d67082baf1d03
Habitation : La Panlupa, le quartier magique de Rome.
Date d'inscription : 30/03/2024
Âge : 107
The Moon

   

@Tatiana Romanov quoi obsession y'a pas obsession t'es qui
Tatiana Romanov
Tatiana Romanov

The Sun
Âge : 29
Occupation : Fugitive de Yama
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Habitation : Dolohov Manor
Date d'inscription : 21/05/2024
The Moon

   

@Alfa Orsini Ça attaque déjà comme un rital…
Alphard Black
Alphard Black

The Sun
Âge : 23
Occupation : Auror
Head : alfa o. — nocturnal animals Tumblr_nm2bmxj1ZI1r3ykuvo8_250
Habitation : 15 Redford Street, Londres
Date d'inscription : 04/04/2024
Âge : 98
The Moon

   

Oh je suis tombée amoureuse oupsiii
Alfa Orsini
Alfa Orsini
Admin

The Sun
Âge : trente-quatre années d’érosion lente, stigmates qui se collent aux coins des yeux en pattes d’oie délicates.
Occupation : gérant charismatique du Leone Tosato, établissement éclectique aux allures de freak show, lieu de prédilection des marginaux et des laissés pour compte.
Head : alfa o. — nocturnal animals 066ea795ab520f85edddd0ba059d67082baf1d03
Habitation : La Panlupa, le quartier magique de Rome.
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Âge : 107
The Moon

   

@Alphard Black go Mara Alfa 3776131707
Alphard Black
Alphard Black

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Âge : 23
Occupation : Auror
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Habitation : 15 Redford Street, Londres
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Âge : 98
The Moon

   

@Alfa Orsini Go nouveau personnage
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